WORKPLACE ET LE BIEN-ÊTRE
FM Magazine 19 – septembre 2019
La qualité de l’air dans les bâtiments n’est plus une futilité
‘Le bien-être au travail’ est assurément l’objectif de chaque Facility Manager. Si cela fait spontanément penser à un environnement de bureau attrayant, à des postes de travail ergonomiques, un catering sain et un service de nettoyage performant, la qualité de l’air intérieur est probablement la base indispensable au bien-être recherché. L’AR du 2 mai 2019 en illustre l’importance. Quelles conséquences l’AR a-t-il dans la pratique pour le Facility Management ? FM-Magazine a recueilli quelques réactions.
Décrivons d’abord brièvement l’AR. Le 21 mai dernier est paru au Moniteur Belge l’arrêté royal du 2 mai 2019 modifiant le code du bien-être au travail en matière de qualité de l’air intérieur dans les locaux de travail. Il s’agit d’une suite à l’AR Lieux de travail du 14 avril 2016 qui reprend quelques exigences en matière d’aération. Ces exigences ont suscité des critiques parce qu’elles sont difficilement applicables dans la pratique, en particulier dans les bâtiments existants. Le contrôle de conformité est également critiqué car il ne tient pas compte de la qualité de l’air extérieur, une problématique pour les bâtiments dans les grandes villes.
L’AR du 2 mai 2019 sur le bien-être au travail en matière de qualité de l’air intérieur dans les locaux de travail ne remplace par la réglementation PEB (Performance Energétique des Bâtiments). Les deux réglementations sont en vigueur et il convient de suivre la réglementation la plus stricte dans la pratique.
Respecter les concentrations de dioxyde de carbone (CO2) (voir Code III.1-34§3) est obligatoire pour les locaux de travail de (parties de) bâtiments construits, transformés ou rénovés avec un permis de bâtir après le 1er janvier 2020. Pour les bâtiments existants qui ne peuvent s’y conformer, un plan d’action doit être élaboré pour se conformer à la norme à terme. Ce plan comprend une planification systématique pour améliorer la situation existante avec des mesures à court, à moyen et à long terme.
Il incombe à l’employeur de se conformer à l’AR. Celui-ci peut transférer la responsabilité au concepteur du bâtiment et/ou au conseiller en prévention de l’entreprise, mais il porte la responsabilité ultime. L’AR est applicable aux bâtiments existants, rénovés et aux nouvelles constructions. Pour l’évaluation des situations existantes, il y a la ‘Directive pratique’.
Directive pratique
Le nouvel AR est complété par une ‘Directive pratique’ qui n’est pas encore publiée. Elle ne fait en principe pas partie de l’AR mais elle sera appliquée par le SPF ETCS (Emploi, Travail et Concertation Sociale) pour évaluer les situations dans la pratique. La ‘Directive pratique’ (voir http://www.emploi.belgique.be/home.aspx) a une base juridique suffisante car il existe des directives pratiques similaires pour d’autres aspects du Code. Comme elles sont évaluées et ajustées périodiquement, il est conseillé de vérifier que l’on dispose bien de la version la plus récente.
Analyse des risques et mesures
La réalisation d’une analyse des risques en matière de qualité de l’air intérieur est une obligation pour tous les employeurs. A cela, il faut tenir compte de la qualité de l’air fourni et des polluants présents dans le local. Ces polluants peuvent résulter de la présence de personnes, de processus, de matériaux, d’un manque d’entretien, …
Les systèmes d’aération sont un des grands risques si pas le plus grand. Le Code recommande de d’abord vérifier la présence, le fonctionnement et le réglage de ces systèmes et de les évaluer.
Vient ensuite l’occupation et le degré d’activité dans chaque local, établie de préférence sur base d’une analyse de la situation concrète (une enquête sur des plaintes concernant des problèmes d’odeurs corporelles, des parfums, ….). Même les appareils (des imprimantes, par exemple) et des matériaux (du mobilier, des revêtements, de vieux documents, …) peuvent émettre des substances nocives et/ou gênantes.
Après l’analyse des risques suivent les mesures de nature technique ou organisationnelle qui doivent conduire au respect de la concentration de CO2 en deçà de 900 ppm (parts per million) selon un débit minimum de 40 m³/heure/personne présente.
La ‘Directive pratique’ indique qu’un débit fixe de 40 m³/heure/personne correspond à une concentration de CO2 qui doit ‘généralement être inférieure à 900 ppm’. Pratiquement, cela signifie que l’employeur a le choix entre respecter la concentration de CO2 maximale ou le débit de renouvellement d’air minimum.
L’humidité relative doit idéalement se situer entre 40 % et 60 % sur la journée. Ces valeurs ne sont imposées que lorsque le bâtiment est équipé d’un humidificateur ou d’un déshumidificateur d’air intérieur. Comme l’installation des systèmes n’est pas évidente, la plupart des bâtiments n’en sont pas équipés et les valeurs d’humidité relative ne sont pas une exigence générale dans l’AR.
Mesurer c’est savoir
Peter Boodts, hygiéniste du travail chez Atmosafe, regrette que la ‘mesure’ ne soit pas une obligation stipulée dans l’AR. En ce qui concerne le CO2, l’air extérieur est une donnée de base et, en tant que telle, reconnue par l’hygiène du travail.
Atmosafe a développé une méthode d’analyse et de mesure plus accessible et abordable que les méthodes industrielles. Via un échantillonnage passif, il est possible de prélever un échantillon d’air dans un local pour l’analyser en laboratoire. Cette méthode est utilisée pour détecter des tendances, via par exemple le prélèvement quotidien d’un échantillon durant une semaine puis la comparaison des résultats d’analyse. Il s’agit de définir la part de CO2, les particules fines, l’ozone, les COV (composés organiques volatils), …
Tom Bonneux, administrateur d’Atmosafe, illustre cela à l’aide d’un cas remarquable :
‘Un bureau s’était plaint d’une gêne provoquée par des gaz d’échappement émanant d’un générateur de secours. Une mauvaise qualité de l’air s’est avérée être la cause de nombreuses plaintes de maux de tête. Après l’arrêt du générateur et une aération du local, la nuisance olfactive avait disparu mais des mesures ont révélé une concentration d’ozone triplée. C’était la véritable cause des plaintes de maux de tête.’
L’aération est la première mesure à prendre pour améliorer la qualité de l’air intérieur. La problématique de la qualité de l’air découle souvent d’une humidité trop faible et d’une concentration d’ozone trop élevée, soulignent Tom Bonneux et Peter Boodts. La concentration d’ozone est une conséquence d’une humidité de l’air trop faible.
Encore une chose : au-dessus de 600 ppm de CO2, la capacité de concentration diminue, la moyenne décroît d’environ 5 % par 100 ppm de CO2 supplémentaire. A 1.400 ppm, elle peut même diminuer de 50 %.
Température, humidité de l’air et CO2
« La sensation de confort est déterminée par la température et l’humidité de l’air dans le local », détaille Koen Van Nieuwenhove, product manager HVAC chez Testo nv. « Des diagrammes reprennent les valeurs de mesure, ce qui permet de voir d’un coup d’œil si on se situe dans la zone de confort ou hors de celle-ci. »
La loi en matière de qualité de l’air intérieur dans les locaux de travail rejoint la norme EN ISO 7730. Ici aussi, il s’agit de mesures de température dans le local pour évaluer objectivement le climat intérieur. Les valeurs sont placées sur une parabole convexe dans un axe X (PMV – Predicted Main Votes = valeur moyenne des votes) et un axe Y (PPD – Predicted Percentage of Dissatisfied = pourcentage de personnes insatisfaites). La parabole convexe s’arrête à 5 % de l’axe Y (jamais de satisfaction totale) et sur ‘0’ au centre de l’axe X. L’idéal est ‘0’ pour PMV et 10 % pour PPD. Les déplacements vers la gauche de ‘0’ sur l’axe X indiquent une ambiance thermique trop froide et un déplacement vers la droite, une ambiance thermique trop chaude.
Outre la température de l’air et l’humidité, la vitesse de l’air et le rayonnement sont inclus, tandis que l’isolement vestimentaire et l’activité physique peuvent être ajoutés comme paramètres d’évaluation supplémentaires. Les mesures peuvent être réalisées durant un laps de temps (une journée de travail par exemple), et les résultats doivent se situer entre 10 % pour le PPD et environ 0,5 pour le PMV. « Il se peut que le taux d’insatisfaction augmente, notamment avec les fenêtres du local », souligne Koen Van Nieuwenhove. « Des mesures locales doivent alors être prises pour réagir de manière appropriée, en posant des écrans de protection par exemple. »
« Le contrôle de la concentration de CO2 est en principe lié aux mesures PMV-PPD », poursuit Koen Van Nieuwenhove. « Une solution universelle est disponible pour les deux mesures et peut être facilement gérée par le Facility Manager. »
Traiter la source de la pollution
« L’AR renforce donc les mesures en ce qui concerne la part de CO2 dans l’air intérieur et attire l’attention sur la qualité mais laisse une marge de manœuvre trop grande pour parvenir à une amélioration concrète », constate Peter Van Eylen, administrateur de GreenX. « Il n’y a ainsi aucune obligation de mesure et le débit d’air de 40 m³/heure n’est pas toujours une garantie de qualité, ne serait-ce que parce que de nombreuses installations n’atteignent pas le débit d’air prescrit ou soufflent de l’air pollué dans le local de travail. »
Il est important de traiter la pollution à la source. GreenX contrecarre la bio-pollution avec un traitement de surface où la lumière incidente active l’auto-désinfection. « L’air intérieur contaminé est souvent dû à une concentration de moisissures », déclare Peter Van Eylen. « Un traitement de surface avec ACT CleanCoat est efficace pendant un an environ et s’applique sur toutes les surfaces dures comme le verre, les murs, les sols, les plafonds, les tables de travail, etc. Les composants organiques du spray traitent aussi les nuisances olfactives. »
Le traitement de surface ACT CleanCoat commercialisé par GreenX existe depuis vingt ans mais il n’était appliqué qu’à l’extérieur pour combattre la formation de mousse sur les façades. L’air intérieur est épuré des COV, Nox (oxydes d’azote), SOx (oxydes de soufre) et de CO.
Harmoniser la qualité de l’air et la consommation d’énergie
Emaze Energy Consultancy se compose de trois volets : un bureau de conseils énergétiques, un bureau d’études techniques en efficacité énergétique et une offre de software et hardware pour la surveillance énergétique. « Contrairement à l’ancien RGPT (règlement général pour la protection du travail, ndlr) où l’aération était peu traitée, le nouvel AR du 2 mai 2019 constitue une belle amélioration », déclare Joost Verschuere, administrateur d’Emaze. « Si en 2016, la part de CO2 maximale était définie à 800 ppm – la limite supérieure à ne pas dépasser était de 1200 ppm – les concepteurs et les installateurs de techniques avaient difficiles à la respecter. Ce qui entraînait un surdimensionnement des installations pour ne courir aucun risque, et donc une augmentation de la consommation d’énergie. »
Le nouvel AR est une bonne nouvelle du point de vue investissement technologique et consommation d’énergie. « La part de CO2 est limitée à 900 ppm, soit 100 ppm de plus qu’avant. En tenant compte de l’air extérieur à 450 ppm, cette augmentation est favorable d’un point de vue énergétique. » Le nouvel AR permet également de ne pas aérer excessivement dans des zones (les bâtiments proches du ring de Bruxelles, par exemple) où l’air extérieur a un taux de CO2 élevé.
L’idéal est de se conformer à l’AR avec une consommation d’énergie minimale par l’optimisation des installations techniques. Il y a une grande opportunité d’affiner les systèmes de gestion des bâtiments. « L’AR nous donne toute la latitude utile pour concevoir des systèmes de ventilation intelligents et durables », conclut Joost Verschuere. « En calculant bien, il doit être possible de faire la différence. »
Un bon plan de nettoyage
En tant que fabricant d’une vaste gamme d’appareils et de produits de nettoyage, Kärcher participe indirectement à une meilleure qualité de l’air intérieur. « Un plan de nettoyage adapté contribue à améliorer la qualité de l’air intérieur », explique Sam De Graeve, product manager professional chez Kärcher Belgique. « Un nettoyage adapté et la neutralisation d’odeurs gênantes est très apprécié là où il y a des textiles. »
Un plan se décline sous quatre types de nettoyage et les lettres PDIR (Preventative, Daily, Interim, Restorative). Le nettoyage préventif limite la formation de poussière qui n’est donc pas mélangée à l’air intérieur. Le nettoyage quotidien parle de lui-même. « En présence de moquette, l’usage d’un aspiro-brosseur est préférable à un aspirateur classique », détaille Sam De Graeve. « Ce type d’appareil extrait plus de saletés d’un tapis et accepte les filtres Hepa. » Le nettoyage intermédiaire avec encapsulation des polluants présents dans le tapis génère un nettoyage plus en profondeur et complet lors du passage de l’aspiro-brosseur. Enfin, il y a le ‘R’ pour le nettoyage en profondeur de matériaux. « Lors de l’élaboration d’un plan de nettoyage, nous proposons des conseils selon l’environnement, l’aménagement et le revêtement », ajoute Sam De Graeve. « Il est aussi important de choisir des détergents et des produits testés pour leur respect de l’environnement et qui ne polluent pas l’air intérieur. »
Par Eduard Coddé
Invitation à une conférence moment de réseautage au Technopolis à Mechelen
Le 8 novembre, le magazine professionnel FM-Magazine, en collaboration avec le bureau de recherche Emaze, donnera une conférence sur le nouvel arrêté royal sur « la qualité de l’air dans les locaux de travail ». Au cours de cette conférence, plus d’informations seront données sur la nouvelle réglementation et les implications pour les gestionnaires d’installations seront expliquées. Le moment d’information a lieu à Technopolis Mechelen et est gratuit pour les lecteurs du FM-Magazine. Une simple inscription via www.coolancomfort.be/conferences suffit. Les participants sont attendus vers 15 heures. Le début de l’atelier est prévu à 15h30. La conférence durera jusqu’à 16h30 et se terminera par un verre de réseau avec la possibilité de poser des questions. Il n’y a que 150 places disponibles, le message est donc de s’inscrire rapidement.